Commentaire par Rosenczveig du Rapport Varinard - partie 1

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                                                                       Saint-Denis, le 18 janvier 2009

 

 

Commentaire des 70 propositions du rapport de la commission Varinard

"Entre modifications raisonnables et innovations fondamentales"

 

DEI-France a eu le souci de passer au crible chacune des préconisations du rapport de la Commission présidée par le professeur André Varinard remis le 3 décembre 2008 à la ministre de la justice qui lui en avait passé commande avec le souci de "refonder" le droit pénal applicables aux enfants.

 

Au travers des recommandations quelques lignes-force émergent.

 

L'option affichée ne se veut pas révolutionnaire, mais à y regarder de près une vraie rupture est proposée autour de l'idée que la sanction est dissuasive. Si la Commission sait ne pas suivre la ministre sur le point essentiel pour elle d'en finir avec la dualité du juge des enfants acteur de la protection de l'enfance et de la réponse aux jeunes délinquants, elle ne prend pas ses distances par rapport au projet politique initial de "refonder" le droit pénal des mineurs; elle dresse un procès injuste et implacable aux magistrats de la jeunesse et aux travailleurs sociaux, mais elle sait reprendre à son compte certaines pratiques ou suggestions innovantes jugées utiles au regard de l'objectif poursuivi (ex. : la césure du procès pénal, proposition-phase de l'AFMJ) ou aux praticiens (ex.: le dossier de personnalité). L'équilibre avancé n'est donc que de pure façade.

 

  • La Commission dit inscrire formellement ses travaux dans la continuité en rappelant les principes fondateurs sur lesquels tout un chacun peut s'accorder ; elle adapte sa stratégie en tenant compte du carcan imposé par la Convention internationale sur les droits de l'enfant et les principes posés par le Conseil constitutionnel en 2002. En vérité, les animateurs de la Commission ont compris qu'il ne fallait pas grand-chose pour en terminer avec l'équilibre actuel jugé insatisfaisant. Ainsi il suffit de ne plus rendre l'instruction obligatoire et de limiter dans la durée des mesures pour recentrer la production de l'institution judiciaire sur une sanction assurée et rapide. Les grands principes du droit pénal des enfants seront formellement respectés ; le résultat recherché garanti. La seule réforme structurelle fondamentale tient en la création d'un tribunal correctionnel pour mineurs pour les 16-18 ans récidivistes ou ceux qui sont jugés après leur majorité.
  • Plusieurs préconisations sont à double sens. On ne pourra plus incarcérer en matière délictuelle avant 14 ans quand une peine aujourd'hui de prison peut être prononcée à 13 ans, mais on généralise la détention provisoire pour délit à 14 ans (pour 16 ans aujourd'hui). Autre tour de passe-passe : la fixation à 12 ans de l'âge de la responsabilité pénale entendu comme l'âge requis pour tenir l'enfant comme responsable de ses actes mais aussi âge auquel on peut lui infliger une peine quand aujourd'hui on peut poursuivre un enfant à 7/8 ans, mais avant 13 ans on ne peut pas le condamner à une peine. Avec cette disposition on pourra donc parler soit d'avancée, soit de régression.
  • Si la priorité de l'investissement sur la justice pénale est réaffirmée, on ne remet pas en cause la dualité civile et pénale de compétences du juge des enfants (dont acte), mais on fait silence sur l'orientation prise par la Protection Judiciaire de la Jeunesse dans son Plan stratégique 2008-2011 de ne plus intervenir sur l'assistance éducative (sauf pour des mesures d'investigation) et donc de priver le juge de moyens qui lui étaient indispensables.
  • Si on adapte des concepts qui ont vieilli (ex. : admonestation), on vient remettre de l'ordre après les multiples scories introduites dans la dernière période législative. Surtout on prétend simplifier et on n'hésite pas à complexifier (ex. : création de nouvelles juridictions).
  • Toute la procédure doit être tendue pour déboucher sur l'objectif recherché : la sanction dont la valeur de prévention de la récidive est affichée au fronton de la démarche. Sans aller jusqu'à affirmer le primat de la peine d'incarcération, voire en développant explicitement qu'elle doit rester exceptionnelle quitte à être étendue aux 12 ans criminels et au week-end, tout le dispositif s'inscrit dans le registre de la sanction. On refuse désormais de parler d'accompagnement éducatif du jeune délinquant qui par définition ne le mérite pas. On aura donc des sanctions éducatives et les peines modernes.
  • La défiance à l'égard des juges, sinon du travail social, est chronique, sinon maladive. On affirme la maîtrise de l'orientation pénale par le parquet et le contrôle de celui-ci sur ce que produit le juge (ex. : le juge de enfants ne peut plus juger en cabinet pour en terminer rapidement avec une affaire sans avoir l'avis du procureur). Mais on commence aussi à se méfier du parquet qui pourrait être tenté de s'attacher ou de s'attaquer à la personnalité du jeune en limitant son pouvoir d'ordonner des alternatives aux poursuites.

Le procès instruit contre la justice est injuste et méconnait les évolutions intervenues proprio motu depuis 1992 cautionnées ensuite par le législateur dans ses reformes successives. La justice n'a pas attendu l'ordre de la loi pour

- réagir à tous les actes qui lui sont signalés (es classements sans suite secs sont passés de 60% à environ 10%), mais la Commission oublie de rappeler 1° que le taux de réussite policier demeure inférieur à 30% sur les faits portés à sa connaissance - la police ne connaitrait qu'un fait sur 5 - et 2° que le fait qu'une mesure éducative puisse prendre plusieurs semaines ou mois avant d'être mises en œuvre n'est pas imputable aux tribunaux, mais à l'Administration de la justice..

- réagir vite (à Bobigny un déferement au tribunal en sortant de garde à vue sur 2 poursuites ; la requête pénale simple a quasiment disparu de certains tribunaux au profit de la convocation par officier de police judicaire à une date fixée par le parquet, le flagrant délit pour les mineurs a été introduit, etc.) ;

- réagir fort (40% de peines que l'évolution la plus récente de la délinquance est négligée on fonctionne sur des représentations erronées de la justice et une méconnaissance de ses ressorts.

- réagir efficacement : l'immensité des jeunes délinquants mineurs ne sont plus mêlés à des affaires pénales une comme majeurs. Le taux de non réitération pour les primo-délinquants traités parle parquet s est de 80 %

  • La Commission commet (sciemment ?) une erreur fondamentale. Le temps mis à juger n'est généralement pas une négligence du juge, mais du temps donné au travail éducatif. Résultat : ses préconisations ne donnent pas le temps nécessaire au travail social pour développer son art. Plus grave : le travail social s'inscrira désormais dans la contrainte quand jusqu'ici il était pour l'essentiel pré sentenciel et fondé sur la conviction de changer la donne avant le jugement. Pire : on le dévoie en le présentant comme une sanction Le placement redevient une sanction à l'instar des maisons de correction de jadis, y compris en week-end où on invente la "colle" éducative.
  • On revendique de répondre aux orientations de la Convention Internationale relative aux Droits de l'Enfant (CIDE) avec le transfert vers la société civile, spécialement vers les maires de la réponse à la délinquance des plus jeunes, et dans le même temps on est marginalise le tribunal pour enfants où deux des trois juges sont issus de la société civile. Plus grave, et c'est même l'un des principaux effets collatéraux préoccupants de ce rapport : aucune réflexion de fond sur le sens de la réécriture administrative et politique n'est avancée ; on reste apparemment technique alors qu'en vérité si l'orientation préconisée pour les moins de 12 ans et les primo-délinquants est suivie le maire sera investi de responsabilités majeures qui remettront en cause l'organisation même de la République en nous ramenant à 1788.
  • Plus d'une fois on néglige la question de moyens supplémentaires qu'exige le nouveau rythme judicaire préconisé. Sous la proposition 58, à titre personnel, le président fait bien part, de son souci de voir le droit pénal des mineurs devenir une priorité économique. Fermer le ban. Aucun chiffrage n'est avancé ; aucun délai n'est donné.
  • On impose nombre d'obligations aux juges et aux services sociaux, mais on ne dit rien de la sanction de leur non-respect. L'Etat ordonne, mais ne se sanctionne pas s'il est lui-même défaillant. Attitude classique peut être, mais insupportable dans la vie politique moderne. En revanche, les parents défaillants ou la jeune personne défaillante seront sanctionnés, y compris avec de nouveaux délits.
  • La Commission ne s'attache pas à réfléchir sur le contenu éducatif des "réponses contenantes" dans la prison ou dans les structures éducatives fermées. Elle se contente d'une approche mécaniste.
  • La révolution, car ce travail n'est nullement détaché des objectifs affiché dans le débat politique qui l'a précédé, revient à s'attacher désormais essentiellement plus à l'acte qu'à la personne et ce faisant de commettre une erreur monstrueuse au regard de la sociologie de la délinquance des plus jeunes : quand un jeune commet un délit, il peut en commettre 10 car par-delà la crise d'adolescence classique celui-là vit une séquence asociale à laquelle il faut s'attaquer en transformant ses conditions de vie et en s'attachant à sa personnalité, à son histoire, à son réseau familial, etc. S'il suffisait de le scolariser cela se saurait de longue date. Nombre de jeunes vraiment délinquants sont physiquement et psychologiquement dégradés, dans des démarches nihilistes, ne croyant en rien ni en personne. Faute d'espoir la loi et l'adulte sont vécus comme injustes. La Commission est sur un autre registre : "La sanction pénale doit viser à assurer la protection effective de la société, défendre les intérêts de la victime, favoriser l'insertion ou la réinsertion du condamné et prévenir la commission de nouvelles infractions"
  • Pour quels résultats ? Mieux protéger la société ? On peut déjà douter de ce que le droit pénal des plus jeunes reformé selon les recommandations Varinard conduise à faire baisser sensiblement le taux de récidive des jeunes auteurs de faits illégaux. Mais en ne s'attachant pas à la prévention de la délinquance primaire, l'objectif recherché de faire décliner l'insécurité ne risque pas d'être atteint. Prévenir la récidive ne suffit pas à lutter contre l'insécurité.

Ce rapport est donc souvent séduisant dans ses développements et les mesures avancées apparaissent rarement franchement en rupture ; la Commission se concentre sur un ressort essentiel : pousser les juges à juger rapidement sur l'acte posé, sachant que 60% de la délinquance est traitée par ailleurs directement par le parquet, tout logiquement la sanction recherchée en résulter. Si certaines propositions sont même positives pour les jeunes (ex. : dossier de personnalité) ou pour les victimes (permanence au tribunal) on ne doit donc pas oublier les objectifs initiaux visés.

En lisant ces préconisations on devra donc avoir à l'esprit quelques questions pour en apprécier la portée et l'opportunité :

  • en quoi cette réforme s'impose-t-elle techniquement ? Déjà en 2002 une commission sénatoriale réunie sur ce même sujet avançait que ce n'était pas changer la loi qui importait pour combattre la récidive, mais donner aux juridictions les moyens d'appliquer la loi.
  • Qu'apportera-t-on de neuf au quotidien avec la réforme avancée ?
  • Le fait délinquance juvénile a-t-il évolué récemment qu'il faille bouleverser l'équilibre atteint avec l'évolution des pratiques judiciaires et les adaptations législatives déjà introduites ? Les chiffres du ministère de l'Intérieur prouvent le contraire.
  • Quels objectifs vise-t-on ?
  • Comment garantir un pilotage judicaire et éducatif sinon unique du moins cohérent pour des jeunes souvent privés de repères ?
  • Que va-t-on produire au regard de l'insécurité ?
  • Que va-t-on inférer par contrecoups sur les réponses publiques en direction des populations fragiles et dans l'organisation de la République ?

Ce rapport est donc tout sauf technique. Les innovations fondamentales sont bien moins nombreuses qu'affichées. Nombre de préconisations sont creuses. On tire à la ligne ou à la préconisation ainsi quand il est proposé de dresser la liste des sanctions éducatives. Mais l'axe fort n'est pas raisonnable : on casse l'équilibre de la justice pénale des enfants acquis sur un siècle. Ce rapport habile est fondamentalement pervers, rétrograde, dangereux et inefficace.

 

Les 70 propositions suivies du commentaire de DEI-France

 

 

Pour une justice pénale plus lisible

 

Par des clarifications nécessaires

 

Par l'amélioration de la lisibilité formelle du droit pénal applicable aux mineurs

 

1° : Elaboration d'un code dédié

La commission préconise l'élaboration d'un code dédié à la justice pénale des mineurs permettant ainsi, au-delà des modifications de fond, une réécriture formelle des dispositions applicables afin de renforcer leur cohérence et de donner une meilleure lisibilité à la justice pénale des mineurs.

Il s'ouvrira sur une formulation liminaire des principes essentiels guidant la justice pénale des mineurs puis sera divisé en quatre parties : une première partie consacrée aux principes généraux, puis les autres aux règles de fond, aux règles de procédure et aux dispositions relatives à l'exécution des sanctions.

 

Commentaire :

Le souci de codifier le droit de l'enfance n'est pas d'aujourd'hui, mais pourquoi ne codifier que le droit pénal applicable aux enfants quand les statuts civil et pénal sont si intriqués et que l'on fait constamment le lien entre droits et devoirs ?

Notre pays s'est implicitement doté d'un droit de l'enfance, c'est-à-dire d'un corpus juridique très détaillé applicable aux personnes de moins de 18 ans. Il concerne l'ensemble des champs civil, économique, social, culturel et politique de la vie. Toutes ces dispositions mériteraient d'être codifiées, le droit pénal n'étant qu'un des aspects de ce statut.

La Défenseure des Enfants n'a rien dit d'autre.

Les éditions Dalloz ont montré, avec succès, avec le Code junior que l'exercice était possible. Pourquoi ce qui a été fait par une société d'édition ne pourrait pas l'être par la puissance publique ?

 

2° : Adaptation de la terminologie.

Le nouveau code, intitulé « Code de la justice pénale des mineurs », consacre le changement de terminologie, le tribunal pour enfants devenant le « tribunal pour mineurs » et le juge des enfants devenant le « juge des mineurs ». Le magistrat de la cour d'appel délégué à la protection de l'enfance devient le délégué à la protection des mineurs. Autre exemple : l'admonestation devient l'avertissement judiciaire et la remise à parents, la remise judiciaire à parents et / ou aux personnes qui en ont la garde.

 

Commentaire :

Personne ne contestera le souci de moderniser la terminologie devenue parfois désuète de l'ordonnance du 2 février 1945. On n'a pas tort de vouloir en terminer avec l'expression "admonestation" ou de préciser ce que veut dire "remise à la famille"

En revanche, on doit fermement s'opposer à l'idée de substituer le mot mineur au mot enfant. Il ne s'agit pas alors comme l'avance la Commission d'une attitude sentimentale, mais d'une posture juridique et politique. Pour notre droit, et le droit international auquel nous avons adhéré, la personne de moins de 18 ans est un enfant. A 18 ans, elle devient un adulte, acquiert la plénitude de l'exercice de ses droits et rend compte pleinement de ses fautes. L'enfance est une séquence de vie marquée par des étapes : la petite enfant, l'avant-adolescence, l'adolescence, etc. que notre droit scande.

En vérité, on voit bien le souci d'abandonner le terme enfant pour rompre avec toute approche compassionnelle à l'égard des jeunes personnes. La Commission a le souci que le bras de la justice ne tremble pas. Peut être vise-t-elle ces "grands blacks allongés dans les couloirs des palais de justice" (N. Sarkozy, pré-campagne électorale 2007). Elle pense qu'elle tremblera moins à l'égard des mineurs que des enfants. Au passage on oublie qu'avec 6 000 peines de prison ferme, 15 000 avec sursis simples ou mise à l'épreuve, 5 000 peines d'émende, 5 000 TIG notamment sur 75 000 condamnations en 2006, le bras est ferme.

Ce faisant on évacue les termes de la CIDE pour lesquels avant 18 ans on est un enfant.

Ajoutons que mineur veut bien dire aussi de moindre intérêt. Ce n'est donc pas un terme "plus neutre et plus exact" qu'il est proposé de retenir comme le soutient la Commission.

Le rapport fait part de certaines réticences au sein de la Commission sur la mutation proposée. On les partage sur ce point très symbolique.

Il est aussi évident que malgré l'affichage la Commission entend prendre des distances même symboliques par rapport à la Convention internationale sur les droits de l'enfant.

 

3° : Choix d'une alternative binaire en matière de réponse pénale distinguant entre sanctions éducatives et peines.

La réponse apportée par les juridictions pour mineurs vient sanctionner un comportement pénalement répréhensible, même si elle poursuit un objectif éducatif. La commission propose donc la suppression de l'appellation de « mesures éducatives » au pénal et recommande de distinguer deux catégories de réponses juridictionnelles : les sanctions éducatives et les peines.

 

Commentaire :

- Cette proposition camoufle l'échec des sanctions éducatives introduites en 2002 dans la loi du 9 septembre dite Perben I portant programmation de la justice et présentées alors comme un apport majeur au droit pénal des enfants. Force est de constater que ces sanctions éducatives versus Perben I rectifiées Perben II puis loi de 2007, ont été très peu utilisées par les juridictions. Environ 1500 décisions sur 75 000 prononcées en 2006.

- De fait, avec les mesures éducatives, les sanctions éducatives et les peines, le dispositif est devenu compliqué - à qui la faute ? - et surtout incompréhensible par l'opinion. La Commission aurait été très unanime pour condamner ainsi le tryptique de Perben I.

- La suppression des mesures éducatives, désormais fondues dans les sanctions éducatives est révélatrice de l'état d'esprit de la Commission pour qui il est hors de question de quitter le registre répressif. Dans l'avenir, on punira les faits commis par des peines et par des sanctions éducatives : le placement devient une sanction et ne doit plus être présenté comme un soutien éducatif pour favoriser l'évolution de l'enfant. Son refus sera donc sanctionné.

Plus généralement, en phase sur ce point essentiel avec la Garde de Sceaux, la Commission est convaincue que la justice n'est là que pour faire preuve de coercition, l'autorité impliquant punition. Le XX° siècle a pourtant montré, pour les enfants comme pour les adultes, que prévenir la récidive il faut que la justice se mobilise sur la reconstruction de la personne.

Ajoutons que la Commission, contrairement à ce qu'elle affiche, n'introduit pas un choix binaire entre les sanctions et les peines puisque dans tous les cas elle permet de les cumuler. Tous comptes faits, elle entretient alors la confusion quand l'ordonnance de 1945 au contraire était claire : a priori on devait retenir l'option éducative et s'il le fallait quitte à le motiver on pouvait s'engager dans l'option répressive. Une nouvelle fois on fait le contraire de ce que l'on affiche.

 

4 ° : Affirmation de la spécificité du droit pénal applicable aux mineurs

Dès lors qu'une disposition est réglementée dans le code des mineurs, si une modification législative intervient, elle ne concernera les mineurs que si elle le prévoit expressément. En effet, le nouveau code expose de manière exhaustive, sans renvoi au code pénal et au code de procédure pénale les dispositions relatives notamment aux peines et sanctions applicables aux mineurs, aux obligations du contrôle judicaire et du sursis avec mise à l'épreuve ...

 

Commentaire

Comment ne pas approuver l'affirmation de la spécificité du droit pénal des mineurs affiché comme principe constitutionnel et son corollaire qui veut qu'on ne modifie pas ce droit sans disposition spécifique ?

 

 

Par l'affirmation des principes fondamentaux du droit pénal des mineurs

 

5° : Formulation liminaire des fondements de la justice pénale des mineurs.

Le code de la justice pénale des mineurs s'ouvre sur une formulation liminaire des principes de droit pénal de fond et de procédure pénale consacrés par les textes internationaux et par le conseil constitutionnel dans ses décisions et qui pourrait être rédigé de la façon suivante « Afin de concilier l'intérêt du mineur avec les intérêts de la société et des victimes, la responsabilité pénale des mineurs capables de discernement est mise en œuvre conformément aux dispositions du présent code, dans le respect du principe d'atténuation de cette responsabilité en fonction de leur âge et en recherchant leur relèvement éducatif et moral par des sanctions éducatives ou des peines adaptées à leur âge et à leur personnalité, prononcées et mises à exécution par des juridictions spécialisées ou selon des procédures appropriées ».

 

Commentaire :

Cet article de philosophie politique suscitera bien des commentaires avec le souci d'une remise en perspective historique. On est loin du principe de 1945 qui affirmait que l'enjeu judiciaire est de garantir le droit à l'éducation des enfants. On insiste sur le relèvement du pêcheur certes déjà visé en 1945, mais exit désormais le droit à l'éducation pour répondre à la carence éducative identifiée comme source première de la délinquance des jeunes.

La Commission affirme trois centres d'intérêt : l'enfant, la société et les victimes sur lesquelles on insiste tout particulièrement dans l'introduction du rapport. Ici comme ailleurs il ne s'agit pas négliger les victimes et il est important que l'auteur réalise l'ampleur du préjudice qu'il a pu causer quand il est souvent dans un monde imaginaire et irréel, mais la réponse judiciaire ne doit pas être centrée sur la seule victime.

Elle semble opposer leurs intérêts alors que du respect des droits des enfants auteurs d'infractions découlera à terme le meilleur intérêt de la société et des victimes.

 

6° : Formulation des principes directeurs de la justice pénale des mineurs dans la première partie du code.

Rappel des principes directeurs de la justice pénale des mineurs relatifs à la responsabilité pénale :

- Principe de primauté de l'éducatif dans ses deux branches : la finalité éducative de toute réponse pénale à l'encontre du mineur et le caractère subsidiaire de la peine.

- Principe d'atténuation de la responsabilité pénale des mineurs en fonction de l'âge.

- Principe du caractère exceptionnel des peines privatives de liberté.

 

Déclinaison de ces principes directeurs de la justice pénale des mineurs relatifs à la procédure pénale :

- Principe de spécialisation ou d'une procédure appropriée.

- Principe de nécessaire connaissance de la personnalité du mineur : si le principe de l'instruction obligatoire est écarté, il demeure que la personnalité du mineur doit être évaluée de manière suffisamment approfondie et prise en compte avant toute décision.

- Principe de nécessité d'une réponse à toute infraction : toute infraction commise par un mineur de plus de douze ans doit donner lieu à une réponse, qu'elle émane de la société civile, qu'elle soit alternative aux poursuites ou juridictionnelle, à moins que les circonstances particulières liées à la commission des faits et à la personnalité du mineur justifient, dans son intérêt, le classement sans suite de la procédure.

- Principe de cohérence de la réponse pénale : la réponse apportée à un acte de délinquance, adaptée à la gravité des faits, doit s'inscrire dans la cohérence du parcours du mineur.

- Principe d'implication permanente des parents et autres représentants légaux du mineur : ils doivent être systématiquement informés et convoqués à toutes les étapes de la procédure.

- Principe de l'assistance obligatoire d'un avocat et du défenseur unique pour le mineur. L'avocat suit le mineur tout au long de la procédure et/ou les procédures suivantes. La commission recommande de généraliser le système déjà mis en place dans plusieurs juridictions.

- Principe de publicité restreinte.

 

Commentaires :

On approuvera la référence à des principes directeurs, notamment l'affirmation du caractère subsidiaire de la privation de liberté, ce qui va plus loin que l'incarcération.

La Commission, contre mauvaise fortune, fait bon cœur : elle se doit de respecter le cadre délimité par la Convention internationale sur les droits de l'enfant et les principes constitutionnels fondamentaux affirmés en 2002.

Sans état d'âme, elle réaffirme tous les grands principes du droit pénal applicables aux enfants à un près mais essentiel, apparemment technique : l'instruction obligatoire des procédures judiciaires. Or le temps de l'instruction judiciaire n'est pas seulement celui où le juge doit faire la vérité sur les faits et sur la personnalité de leur auteur ; il est aussi celui qui permet de tenter de transformer la personne de l'enfant puisque l'objectif de 1912 rectifié 1945, c'est qu'au final soit jugé un individu qui n'est plus, dans l'intérêt même de la société, le délinquant qu'il était. On va s'en priver sans vergogne puisque pour la Commission le souci premier est plus de réagir à l'acte et de le sanctionner à l'acte par rapport à une prise en compte de la personne même si elle se défend d'avoir commis cet acte (conf. Intro). On ne néglige pas la personne, mais on part du présupposé que sanctionné rapidement sur son acte, l'enfant saura réagir. La vérité est sensiblement différente : c'est en transformant la personne, quitte à user de sanctions, qu'on évitera de nouveaux actes. L'ampleur de la peine encourue n'est pas de nature à dissuader d'un nouveau passage à l'acte. La certitude d'une sanction n'a jamais empêché des jeunes de commettre une infraction car ils pensent toujours qu'ils ne se feront pas prendre. Cette disposition témoigne d'une méconnaissance de la délinquance des jeunes personnes, délinquance d'impulsion qui ne peut être enrayée qu'en faisant appel à leur intelligence (par l'éducation) et non à leur cerveau reptilien par des méthodes pavloviennes, type action-réaction.

Au passage, on ne peut qu'adhérer au souci de veiller à garantir sur la durée une cohérence de la défense de l'enfant par delà les actes qu'il pose. Reste non seulement à en réunir les moyens, mais déjà à identifier les difficultés de la mise en œuvre de cette idée. La Commission ne tente pas l'exercice.

La question de la cohérence du parcours judiciaire du jeune risque par ailleurs de se traduire par une progressivité des peines inquiétante (cf point 47).

 

 

Par l'élaboration d'un cadre juridique plus précis

 

Par des seuils d'âge mieux définis

 

7° : Fixation d'un âge de majorité pénale.

La commission préconise l'inscription dans la loi de l'âge de la majorité pénale fixé à 18 ans.

 

Commentaire :

Sauf erreur, cette barre était déjà fixée dans la loi depuis la loi du 12 avril 1906.

On s'interrogera donc sur l'intérêt et la portée de cette proposition 7.

 

8° : Fixation d'un âge de la responsabilité pénale : 12 ans

Afin de se conformer à nos engagements internationaux et dans un objectif de clarification du droit, la commission propose de fixer un âge de responsabilité pénale. Elle retient l'âge de 12 ans comme étant le plus pertinent, au regard de la réalité actuelle de la délinquance juvénile.

 

Commentaire :

De fait par la fixation d'un seuil pré-déterminé où s'engage la responsabilité pénale on répondra aux termes de la CIDE (art 40), mais on se privera de la souplesse du critère du discernement qui, en pratique, ne posait pas de problèmes majeurs dans sa mise en œuvre. En tout cas, pas plus que pour les personnes vieillissantes qui perdent le discernement, sachant que là encore aucun seuil n'est fixé par la loi.

Pour autant, on se retrouve avec la difficulté tenant aux effets de seuil. Quid pour un enfant de moins de 12 ans qui, exceptionnellement, mais telle est la vie, paraitra plus mature que son âge ? Le critère actuel du discernement permet ce sur-mesure.

Admettons cependant cette évolution imposée par la CIDE.

 

On remarquera par ailleurs que pour la Commission 12 ans devient

- non seulement l'âge auquel un acte peut être pénalement imputable à une personne - mais à quel âge au final perdra-t-on cette capacité : 84, 87, 90 ans, etc. ? -

- l'âge où des peines sont encourues en matière criminelle (aujourd'hui 13 ans) sachant que la Commission propose pour 14 ans en matière délictuelle

- l'âge où il peut y avoir lieu à incarcération provisoire pour les jeunes personnes mises en cause pour des crimes

On supprime la progressivité (7-8 ans, 10 ans, 13 ans, 16 ans, 18 ans) qui fait la richesse et la souplesse de l'ordonnance du 2 février 1945 quand on l'affiche comme objectif.

 

 

Les seuils de responsabilité pénale avec l'ordonnance du 2 février1945

Avant 7/8 ans

7/8 ans

-10 ans

10 ans

Avant 13 ans

13 ans

Avant 16 ans

16

Avant 18 ans

18 ans

Pas de poursuites pénales

possibles

Poursuites pénales possibles mais uniquement des mesures éducatives

Pas de peine mais mesures éducatives

ou

des sanctions éducatives

Responsabilité pénale atténuée quoi qu'il en soit

(moitié moindre que les majeurs)

Responsabilité pénale atténuée à laquelle dont on peut être privé

Pleine responsabilité pénale

En parallèle, si besoin est : des mesures de protection civiles (art. 375 et s. code civil)

 

Quid alors pour les moins de 12 ans qui ne pourront pas être poursuivis pénalement ?

La Commission propose de mobiliser la "société civile", sous entendu les municipalités en lien avec le dispositif de protection de l'enfance qui dépend du président du Conseil général. Idée a priori séduisante. On trouve des références étrangères. Mais réalise-t-on que l'on ouvre la boite de Pandore ?A terme, cette démarche conduit au transfert aux maires des responsabilités en matière d'action sociale, et de moyens, dont l'aide sociale à l'enfance (5 milliards d'euros) liés à l'exercice de cette responsabilité. Par ailleurs se posera la question des contre-pouvoirs et des garanties à mettre en œuvre pour éviter des dérives quand on lit par ailleurs qu'il est recommande de se doter de structures contenantes, sous entendu fermées, pour des enfants de 10-12 ans. Une commission municipale pourra-telle en décider ? On se reportera à ce sujet aux recommandations du Comité des droits de l'enfant dans son Observation générale n°10[1]. Voir le commentaire sous la proposition 16

 

9° : Présomption de discernement à compter de 12 ans.

Il n'est plus nécessaire d'établir le discernement du mineur de plus de 12 ans qui est présumé. Il s'agit d'une présomption simple.

 

Commentaire :

Le discernement serait acquis à 12 ans, mais il ne s'agira somme toute que d'une présomption simple qui, par définition, pourra être combattue. En d'autres termes, on inverse la charge de la preuve : le parquet devait démontrer que l'enfant avait le discernement ; demain, il reviendra à la défense de démontrer qu'il n'avait pas le discernement au moment des faits reprochés.

 

 

10° Primauté de l'intérêt de l'enfant en cas de doute sur l'âge du mineur

Lorsque l'âge du mineur ne peut être établi avec certitude, c'est l'intérêt de l'enfant qui prime, l'âge le plus bas résultant des investigations devant être retenu.

 

Commentaire :

Cette règle ne mange pas de pain et permet de retrouver l'intérêt de l'enfant dans l'intérêt du mineur.

La règle proposée ne peut être qu'approuvée quand on sait à quel sort sont parfois vouées, en matière civile, les jeunes personnes étrangères qui se présentent à nos frontières comme des enfants sans autre preuve que leur parole.

Il est clair que l'on cible ici les enfants délinquants sans identité prouvable avec des documents qui leur sont applicables. Très crument sont visés "les enfants du voyage" souvent interpellés sur des vols à la tire et autres cambriolages qui allèguent avoir moins de 13 ans.

Comme en matière civile on aimerait ici que les pouvoirs publics se prononcent sur le recours à "l'expertise osseuse" que certains pays, comme l'Allemagne condamnent désormais pour son peu de fiabilité.

 

 

11° : Statut du mineur de moins de 12 ans mis en cause dans une procédure pénale.

La commission préconise de créer un statut particulier de l'audition par les services enquêteurs du mineur mis en cause de moins de 12 ans. Ce statut devrait permettre de retenir le mineur pour une durée de 6 heures, renouvelable une fois, dans les conditions de garantie offertes par l'actuelle retenue des mineurs de 10 à 13 ans.

Le procureur de la République appréciera l'opportunité de saisir s'il y a lieu les services de la protection de l'enfance ou le juge des mineurs.

La commission préconise des placements spécifiques contenant pour les mineurs de moins de 12 ans impliqués dans les faits les plus graves.

 

Commentaire :

-             Cette disposition est plus avantageuse que l'actuelle qui permet pour les 10-13 ans une retenue pour une période de 12 h renouvelable une fois. On était passé de 10 à 12 h en 2004. Sachant que rien n'empêchera à nouveau dans l'avenir une évolution extensive si le besoin s'en faisait sentir.

On doit cependant avoir en tête que si la Commission est suivie les moins de 12 ans ne seront plus des délinquants, mais des auteurs de faits qualifiés délits pour reprendre l'expression belge.

Maintiendra-t-on de règles propres au 12-13 ans sachant que boucler une enquête pénale en 6 heures est souvent une gageure ? Il ne semble pas. La garde à vue serait possible pour les plus de 12 ans (13 ans aujourd'hui) Cf Proposition 11. On régresse donc pour les plus de 12 ans.

Prise à la lettre, cette disposition offre également la possibilité de "retenue" avant 10 ans, ce qui n'était pas le cas jusqu'à présent.

-             La Commission s'aligne sur l'analyse qui veut qu'avant d'être un délinquant un enfant est une jeune personne en danger. Si un enfant commet un fait qualifié délit ou crime pour lequel il ne peut pas être poursuivi rien n'empêchera de le tenir pour un enfant en danger. Déjà, en l'état de notre droit, le parquet peut pratiquer ainsi et saisir un juge des enfants sur la base des articles 375 et s. du code civil.

 

 

12° : Impossibilité d'incarcérer un mineur de moins de 14 ans sauf en matière criminelle

 

Commentaire :

- Sur la condamnation :

Cette disposition est une avancée en matière délictuelle puisqu'aujourd'hui ce seuil est fixé à 13 ans.

On s'interroge quand les discours et autres analyses scientistes qui ont fait florès tentaient de nous démontrer que le cœur de cible de la délinquance juvénile était bien constituée de ces jeunes de 12-14 ans commettant agression sur agression c'est-à-dire des faits délictuels punis jusqu'à 10 ans d'incarcération. Or il est proposé de se priver purement et simplement de la possibilité de condamner ces jeunes de 12-14 ans à une peine de prison. Dont acte. Mais dés lors, est-on prêt à les prendre en charge si besoin est dans des foyers éducatifs conformes à ce nom c'est-à-dire ouverts ? On peut en douter (voir la proposition 14).

On sait que la Commission propose par ailleurs en matière criminelle d'abaisser le seuil de l'application d'une peine à 12 ans.

- Sur la détention provisoire

On sera préoccupé par la réintroduction de l'incarcération provisoire dès 14 ans en matière délictuelle quand en 1989 elle avait été reculée à 16 ans.

La Commission propose le recours au contrôle judiciaire en matière délictuelle pour les 12-14 ans avec notamment la possibilité d'être placé dans une structure.

On réintroduit la détention provisoire en matière criminelle pour les 12 ans qui existait jusqu'à 1989 (gouvernement Chirac, ministère Chalandon, adoption d'une mesure impulsée notamment par Françoise Dolto et un millier de magistrats.). On sait que le premier ministre a pris rapidement ses distances avec cette mesure pourtant approuvée en reflexe par la garde des sceaux.
Reste un problème si jamais la disposition était néanmoins adoptée : il ne faudrait pas demain que pour obtenir un mandat de dépôt en attendant le jugement on qualifie des faits de criminels pour ensuite les correctionnaliser comme on l'a vu dans le passé.

 

 

13° : Mise en place de structures contenantes adaptées aux mineurs de moins de 14 ans

Le mineur de 12 à 14 ans peut faire l'objet d'un contrôle judiciaire dont la violation des obligations ne peut être sanctionnée que par le placement dans un établissement offrant la même prise en charge qu'un centre éducatif fermé. En revanche, la violation de ce placement ne peut pas être sanctionnée par un placement en détention provisoire.

 

Commentaires :

On élargit le champ du contrôle judicaire avant 13 ans sans être nécessairement en matière criminelle. La sanction du non-respect du contrôle ne sera pas l'incarcération comme on aurait pu s'y attendre. Dont acte.

En revanche, on propose de promouvoir la création d'une génération de nouveaux centres éducatifs fermés pour très jeunes enfants. Toujours la simplification annoncée en entame. A quand les établissements pour enfants ayant le pied gauche tordu ?

 

 

Par une spécialisation réaffirmée des intervenants

 

14° : Maintien de la double compétence du juge des mineurs.

La commission suggère d'étendre la nouvelle terminologie de juge des mineurs au magistrat statuant en assistance éducative.

Les mineurs délinquants étant souvent des mineurs en danger, la commission souligne la nécessité de maintenir le principe de double compétence du juge des mineurs.

La commission recommande que chaque cabinet puisse disposer de deux fonctionnaires dont au moins un greffier, ces derniers pouvant intervenir aussi bien au civil qu'au pénal.

 

Commentaire :

La Commission partage le souci de la Chancellerie de mettre les (faibles même s'ils ont cru depuis 1998) moyens de la justice sur le traitement des jeunes délinquants, ce qui amène à se retirer du financement des mesures autres que d'investigation concernant les enfants en danger. Le slogan est : faire mieux pour les jeunes délinquants pour laisser les conseils généraux, sinon les maires, faire pour les enfants en danger.

Pour autant elle tient compte de la position quasi unanime des professionnels qui estiment à ce que le juge des enfants conserve sa double compétence, acquis essentiel de 1958.

Ce faisant elle désavoue la ministre de la justice - conf. notamment sa tentative de septembre 2007 de convaincre les juges des enfants - et le président de la République qui s'était également positionné sur le sujet.

On l'approuvera.

Reste que dans le même temps le travail de détricotage continue qui verra en 2009 le juge des enfants ne quasiment plus pouvoir faire appel à la PJJ pour prendre en charge des mesures éducatives.

Dans quelques années il sera toujours temps de confier au juge aux affaires familiales cette fonction d'assistance éducative réduite à un mandat donné à l'administration sociale, et non plus à un suivi. Jusqu'ici la caractéristique de la justice des enfants, tant pénale que civile, est de pouvoir adapter en permanence ses réponses à l'évolution du jeune et de son environnement familial. Le juge fait le service-après vente de ses décisions sachant que par nature la situation d'un enfant évolue.

Par ailleurs on peut penser que la loi du 5 mars 2007 sur la protection de l'enfance produira les effets escomptés en réduisant la pression sur la judiciaire dans le domaine de l'enfance en danger.

Le juge des enfants concentré sur le pénal s'esquisse.

 

Une deuxième proposition 14 avance qu'il faudrait affecter deux fonctionnaires à chaque cabinet de juge des enfants dont au moins un greffier.

 

Commentaire :

La norme de la Chancellerie est de 1 fonctionnaire 50 par cabinet. Elle n'est pas tenue. Il sera intéressant de voir comment l'obligation imposée à l'Etat à la suite du rapport Varinard sera respectée.

 

15° : Nécessité d'une formation initiale et continue de tous les intervenants aux spécificités de la justice des mineurs.

La commission préconise que les magistrats du parquet des mineurs, juges de proximité, juges des libertés et de la détention, juges d'instruction habilités, assesseurs du tribunal des mineurs, administrateurs ad-hoc, greffiers, délégués du procureur, enquêteurs, avocats et éducateurs bénéficient de cette formation.

 

Commentaire :

C'est un leitmotiv sur toutes les questions sociales que de mettre en cause un manque de formation. La question est en vérité non pas celle d'une formation initiale, mais celle d'une formation conjointe en cours d'exercice avec des professionnels bien à l'aise dans leurs missions, respectant l'identité professionnelle des autres professionnels, mais appelés à joindre leurs efforts sur des enjeux transversaux. Cette formation doit également intégrer les standards internationaux relatifs à la justice pénale des enfants applicables en France comme la CIDE.

On ne peut donc qu'approuver la concrétisation de ce besoin de formation initiale et continue

 

 

 

Pour une justice pénale mieux adaptée à la délinquance des mineurs

 

Par la nécessité d'une réponse systématique

 

Par une réponse associant davantage la société civile

 

16° : Déjudiciarisation de la première infraction.

Afin d'associer davantage la société civile au traitement de la délinquance, la commission propose que la réponse au premier acte de délinquance puisse être confiée, à l'initiative du parquet, à une instance ad hoc, émanation du conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance. Dans ce cas, le parquet classe sans suite la procédure à l'issue d'un rapport de prise en charge transmis par cette instance.

 

Commentaire :

Ici encore la Commission se rattache à la CIDE et aux recommandations du Comité des Experts. Comme pour les infractions commises par des moins de 12 ans, il est proposé que la première infraction mise en évidence puisse faire l'objet à l'initiative du parquet d'un renvoi sur une instance locale, émanation du conseil communal de prévention de la délinquance. En aucune façon il ne peut s'agir d'une obligation. Il suffit de songer à une affaire gravissime où un primo délinquant serait mis en cause.

La lecture du corps du rapport laisse sur la faim. Qu'attend-on de cette instance dans le suivi personnalisé des enfants ? Avec quels moyens fonctionnera-t-elle ? On manque de réponses à ces questions. Surtout on ne s'interroge pas sur la nouvelle écriture des politiques publiques en matière d'ordre public, mais également dans le champ social qui s'esquisse ainsi plus fortement que jamais après notamment les lois de 2005 et 2007.

Où va nous conduire ce système qui met le maire en première ligne pour faire la loi, veiller à son application avec une police municipale armée à ses ordres et une justice qu'il sera amenée à rendre ? Va-t-on donner aux maires les moyens sociaux qui leur seraient jugés nécessaires. Plus que jamais après la loi du 5 mars 2007 sur la prévention de la délinquance qui s'en engagé dans ce travers on risque d'instrumentaliser l'action sociale au service de la sécurité alors qu'elle n'est qu'un effet bénéfique secondaire d'un travail social efficient.

On sent la fin du conseil général comme lieu de responsabilité des politiques de l'enfance.

Ce traitement de proximité de la première infraction peut bien évidemment recouvrir le meilleur comme le pire ... avec notamment un manque de distance par rapport au trouble causé sachant que les seuils de tolérance se sont abaissés dans une société qui a besoin d'assurance;

La Commission joue ici avec le feu, consciemment ou non, et sa préconisation suppose un vrai débat politique et public qui n'a pas encore eu lieu. On relève une sorte de racisme anti-Etat et un mythe de la réponse municipale.

La Commission oublie surtout de réfléchir à la façon de respecter les recommandations du Comité des droits de l'enfant des Nations Unies (observation générale n° 10 sur la justice pénale applicable aux enfants) qui concernent le respect des garanties légales données à l'enfant dans ce traitement déjudiciarisé .

 

 

 

17° : Implication de la société civile

La Commission préconise de permettre à des bénévoles d'être associés à la recherche de lieux d'exécution de travaux d'intérêt général et de réparation (par exemple participation des séniors...).

Elle recommande également l'instauration d'une obligation pour certaines structures participant à une mission de service public d'accueillir des mineurs exécutant des travaux d'intérêt général ou des mesures de réparation (SNCF, RATP ou administrations publiques...).

 

Commentaire :

- Sur la mobilisation de non-professionnels :

On peut adhérer à l'analyse que si la professionnalité est un atout essentiel, des non-professionnels peuvent apporter du relationnel, de la reconnaissance positive, des repères, etc. à des jeunes en difficulté. Des démarches de ce style dans le passé (par exemple, dans les Opération d'été) l'ont démontré. Pour autant la simple générosité de cœur ne saurait généralement suffire pour s'inscrire notamment dans la durée. Il faut donc articuler clairement les responsabilités respectives et instituer un pilotage.

- Sur l'obligation d'accueillir des TGistes :

Belle pétition de principe.

Question là encore : comment sanctionnera-t-on le refus de ces institutions d'accueillir des Tigistes ? Les praticiens savent que le problème n'est pas tant d'obtenir des postes que de les maintenir en état opérationnel avec des gens qui sont les interlocuteurs de la justice et déjà de les utiliser Il n'en faut donc pas trop, mais maintenir ceux dont on dispose.

 

 

Par une réponse responsabilisant mieux les civilement responsables

 

18° : Meilleure information des parents du déroulement de la procédure pénale

La commission préconise la réalisation d'une plaquette permettant d'informer les parents de la suite de la procédure concernant leur enfant ainsi que de leur rôle dans celle-ci. (Mon enfant a commis une infraction. Que va-t-il se passer ?)

La Commission recommande également la notification aux civilement responsables de toutes les décisions applicables aux mineurs y compris celles intervenant dans le cadre post-sententiel.

 

Commentaire :

Sur la plaquette

Le besoin est réel ; le moyen est-il adapté ? La plaquette serait le pendant de "Mon enfant est placé ; mes droits" remis aux parents des enfants confiés à l'ASE.

Démarche utile certes, mais nettement insuffisante au regard des objectifs visés et des publics ciblés (problème de langue ou tout simplement d'illettrisme). La Commission est décalée par rapport à son temps.

A notre époque ce sont les médias qui sont vecteurs d'information (il faut songer à des campagnes de communications sur l'autorité parentale) et les professionnels que sont les enseignants, les médecoins, les travailleurs sociaux et les policiers Ce sont eux qui transmettent la norme aux familles.

Sur la notification

C'est déjà pratiqué sur le terrain.

 

19° : Revalorisation de la remise à parents :

Désormais appelée « remise judiciaire à parents et/ou aux personnes qui en ont la garde, cette sanction nécessite la présence à l'audience des intéressés pour pouvoir être prononcée. Le juge des mineurs doit constater que les personnes exerçant l'autorité ont adopté la position adéquate.

 

Commentaire

On est dans le registre du symbolique et de l'incantation. Là encore on est à 1000 lieues de la soit-disant gravité des problèmes à résoudre.

Admettons que la remise à parents soit clarifiée. On regrettera la disparition des autres formes d'avertissements comme l'admonestation qui peuvent être prononcés quand les parents sont absents. Il n'y a aucune raison de sanctionner plus sévèrement des enfants dont les parents sont défaillants.

Au passage : la notion de garde n'existe plus en droit français : on garde un objet, on accueille un enfant ou on exerce des responsabilités sur lui.

 

20° : Introduction du jugement contradictoire à signifier à l'égard des civilement responsables.

Afin de responsabiliser les parents qui, touchés à personne, ne se rendent pas à l'audience et bénéficient aujourd'hui d'un jugement par défaut avec possibilité d'opposition (article 487 du code de procédure pénale), la commission propose de qualifier les jugements de « contradictoires à signifier » lorsque les civilement responsables ont été avisés de l'audience et qu'ils n'ont pas comparu sans fournir d'excuse valable.

 

Commentaires

Pourquoi pas ?

A nouveau on voit bien que les rédacteurs ont le sentiment que certains - en l'espèce les parents - roulent la justice dans la farine.

Question : comment aura-t-on la preuve de ce que les parents ont été informés ? Jusqu'ici on s'attachait à l'acte d'huissier. Si l'accusé de réception est signé, le jugement est contradictoire à signifier ou réputé contradictoire à signifier. Veut-on élargir les preuves possibles, par exemple à la notification de la date d'audience par la police ?

 

21° : Responsabilisation des parents non comparants.

La commission recommande la suppression des amendes civiles de l'ordonnance du 2 février 1945 peu utilisées et ne permettant pas la mise en œuvre d'une procédure contradictoire. Elle préconise en revanche la création d'une infraction de non comparution dont la poursuite sera laissée à l'initiative du parquet et qui pourra notamment être sanctionnée par des alternatives ou des peines de stages de parentalité.

 

Commentaire

Dont acte du fait que les amendes civiles sont tombées en désuétude.

De là à faire un délit de la non-comparution à l'audience, du refus de prêter serment ou de déposer des parents ? Pourquoi pas ? Il y a déjà des sanctions existantes.

Malgré ce qu'avance la Commission l'article 227-17 du code pénal permet au parquet de tirer de la carence des parents à l'audience la preuve d'un non exercice de l'autorité parentale. Pourquoi créer une nouvelle infraction ? Et si la peur de poursuites pouvait mobiliser les parents dits démissionnaires cela se saurait depuis longtemps.

La sanction du nouveau délit projeté serait le fameux stage de parentalité où les gens apprennent à être parents en quelques heures ... à leurs frais.

Là encore on est dans le symbolique et dans l'erreur : on identifie un problème, on criminalise la réponse alors qu'il faudrait être dans la pédagogie et le soutien. Il s'agit donc du type même de la mesure incantatoire et bo

nne conscience sans efficacité.

Il n'est pas inutile de préciser que les vraies carences parentales à l'audience sont rares, les parents sont plutôt présents, mais désemparés et dans l'attente d'une aide. Ils sont souvent dissuadés de venir parleur enfant qui prétend que c'est son problème, d'où l'importance d'un contre discours

 

 

Par une réponse pénale intégrant davantage les droits des victimes

 

22° Amélioration de l'accueil des victimes

La commission préconise la réalisation d'une plaquette d'information sur les droits des victimes remise systématiquement à celles-ci lors du dépôt de plainte.

Elle demande que les moyens nécessaires soient mis en œuvre pour améliorer très concrètement leur accueil notamment par la création de salles d'attente séparées au sein des juridictions.

Elle recommande également que le principe des convocations à horaires différenciés soit généralisé afin d'éviter une trop longue attente.

 

Commentaire :

Trois bonnes idées dont la mise en œuvre n'est certainement pas aussi aisée qu'on veut bien le croire.

-             La mise en place de salles d'attente séparées suppose que l'on ait déjà des salles d'attente dignes de ce nom dans les palais de justice. 

-             L'idée n'est pas neuve de prendre en compte les victimes avant et après le procès. Avec un peu d'imagination et un minimum de crédit pour des aménagements ou un surcroit de personnels on doit pouvoir améliorer la protection due aux victimes et aux témoins.

-             Les horaires bien séquencés relèvent là encore du marronnier qui revient chaque saison judiciaire. On devrait s'interroger sur les raisons qui font que jusqu'ici une idée de bon sens n'a pas réussi à prospérer. Une solution tient certainement à des audiences moins chargées. Là encore il faut avoir le souci des victimes et organiser l'audiencement en prenant en compte cette dimension.

 

23° : Extension à toutes les infractions commises par le mineur de l'obligation pour les civilement responsables du mineur de fournir les références de leur assureur pour mention par les services enquêteurs dans le procès-verbal

 

Commentaire :

C'est l'intérêt de chacun, de la victime comme des parents du condamné, que les assureurs du chef de famille du mis en cause soient mobilisés au plus tôt et au mieux.

Rappel : l'assurance parentale n'est pas obligatoire alors que depuis 1997 et la dernière jurisprudence de la Cour de Cassation l'enfant est objectivement un risque pour ses parents. Ceux-ci devront obligatoirement indemniser la victime sans pouvoir prouver l'absence de faute, sauf à un partage de responsabilité s'il y a eu également faute de la victime et, bien sûr, sauf force majeure. De la même manière que l'assurance automobile ou habitation a été rendue obligatoire ne devait-on pas rendre obligatoire l'assurance parentale ? Au sens juridique du terme l'enfant est désormais un risque dont il faut s'assurer.

L'assurance chef de famille est généralement incluse dans l'assurance chef de famille, mais il y a des exceptions. Et un mécanisme devrait être mis en place - via les CAF - pour les familles non susceptibles de s'assurer personnellement faute de revenus.

 

24° : Obligation pour les assureurs des civilement responsables de proposer dans un délai préfix une indemnisation aux victimes.

 

Commentaire :

Bonne idée. On voit bien comme nous l'avançons supra (23) que la Commission elle-même se réfère à l'assurance automobile.

On connaît les résistances de certaines compagnies pour couvrir les civilement responsables quand leur responsabilité est engagée du fait de leurs enfants (art. 1384 al. 5 du code civil).

Cette disposition peut contribuer à venir en aide à la victime.

 

 

25° : Maintien de la possibilité de saisir la CIVI pour la réparation des faits commis par les mineurs de moins de 12 ans.

 

Commentaire :

Encore faut-il que ces faits soient qualifiés de crimes ou de délits par une autorité judiciaire.

Qui va venir faire la différence entre un accident malencontreux et une infraction afin de déclencher le mécanisme de la CIVI ?

 

26° : Jugement par la cour d'assises des mineurs des faits commis par un même mineur alors qu'il avait plus et moins de 16 ans afin d'éviter un second procès notamment pour la victime.

 

Commentaire :

Avec un souci de rationalisation, la Commission retient l'extension de la compétence de la Cour d'assises des mineurs aux faits commis avant 16 ans. Donc acte. On approuvera.

 

27° : Développement de la justice restaurative à tous les stades de la procédure.

La commission préconise que tout suivi éducatif pénal implique un travail sur la place de la victime et sur les conséquences de l'acte commis sur cette dernière.

 

Commentaire

Innovation limitée. La démarche préconisée est déjà engagée.

C'est l'influence judéo-chrétienne : l'implicite devient explicite. On recherche la rédemption ; on la croit possible. On évite la compassion à l'égard des mineurs et on cherche à leur faire prendre conscience du mal commis pour éviter qu'ils recommencent. Si les choses étaient si faciles, cela se saurait de longue date.

Reste qu'il est acquis que nombre d'infracteurs, enfants comme adultes, sont peu conscients de l'impact de leur acte sur la victime qu'ils ont occasionnée. L'audience doit permettre de contribuer à cette prise de conscience.

D'ores déjà dans des dispositions spécifiques ou dans la démarche générale suivie magistrats et travailleurs sociaux ont ce souci de faciliter cette prise de conscience de l'auteur.

 

28° Instauration d'une permanence victimes organisée par les barreaux.

La commission recommande que, conformément à ce qui existe pour les auteurs d'infractions, les barreaux s'organisent afin qu'une permanence d'avocats ayant vocation à assister les victimes d'infractions soit systématiquement assurée.

 

Commentaire

On approuvera cette généralisation d'une initiative du Barreau de Bobigny relayée par le TGI. Reste à budgéter le coût et à réunir les moyens dans toutes les juridictions. La Commission est muette.

 

 

Publié dans JUSTICE

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