Le fichier base élèves refait parler de lui dans libération.fr

Publié le par être parent tout simplement

Libération.fr du 10/12/2009

Par MARIE PIQUEMAL

 

 

De plus en plus de parents d'élèves se mobilisent contre ce fichier créé il y a un an et permettant de collecter des informations sur les enfants dès leur entrée en maternelle.


On l'avait presque oublié. Le fichier Base élèves, qui répertorie tout un tas d'informations sur les enfants dès leur entrée en maternelle, est pourtant en vigueur depuis un an et des poussières. Aux quatre coins de France, des parents d'élèves, réunis en collectif, se mobilisent pour obtenir le retrait de ce fichier jugé inutile et dangereux.

Mercredi, 680 plaintes ont ainsi été déposées dans 24 départements par des parents d'élèves inquiets, dénonçant une atteinte aux libertés individuelles et aux droits de l'enfant. Hier, ils étaient une petite poignée devant le palais de justice de Paris. Son bonnet violet sur la tête, sa fille de huit ans à la main, une plaignante s'étonne du manque d'informations: «J'ai entendu parler de ce fichier en discutant par hasard avec les mamans devant l'école... C'est quand même incroyable, on ne sait même pas quelles informations sont collectées !» Sa plainte sous le bras, un père de deux enfants de 8 et 10 ans, renchérit: «s'ils veulent qu'on arrête de fantasmer, alors qu'ils soient transparents... Qu'on soit nous, parents, tenus au courant et qu'on puisse donner notre accord, c'est la moindre des choses.»

Le manque de transparence: la critique revient systématiquement dans la bouche des parents. Créé par un arrêté du 20 octobre 2008, le fichier Base élèves 1er degré n'a pas fait l'objet d'un débat parlementaire, comme le déplore Jean-Jacques Gandini, l'avocat représentant le collectif national de résistance à Base élèves. «Le gouvernement a procédé exactement comme pour le fichier Edvige. Au départ, un premier arrêté a été publié qui prévoyait d'inscrire dans le fichier l'origine des parents... Tollé dans l'opinion. Du coup, le gouvernement retire le texte, et en ressort un autre un peu moins scandaleux.»

Quelles informations sont collectées?

Sur le papier, ce fichier informatique est destiné à améliorer la gestion administrative et pédagogique des élèves. A ce titre, lit-on article 3, sont collectées : les coordonnées de l'élève (nom, prénoms, sexe, date et lieu de naissance, adresse de résidence, identifiant national élève), de ses responsables légaux (nom, prénoms, lien avec l'élève, coordonnées, autorisations, assurances scolaires). Egalement fichées: les personnes à contacter en cas d'urgence ou autorisées à prendre en charge l'élève à la sortie de l'école. Ce fichier contient aussi des informations liées à la scolarité de l'élève (dates d'inscription, d'admission et de radiation, classe, niveau, cycle) et aux activités périscolaires (garderie, études surveillées, restaurant et transport scolaires).

Bien que réduit, le champ des informations collectées reste trop large de l'avis du collectif de résistance qui redoute que soient conservées notes, appréciations et éventuels signalements de comportement. Pour l'heure, quelque 200 directeurs d'école, entrés en résistance, refusent de remplir le fichier.

«La porte ouverte aux dérives»

Maître Gandini soulève plusieurs problèmes dans l'arrêté actuel, ouvrant la porte à des dérives. D'abord, l'accès au fichier n'est pas suffisamment sécurisé. «Il suffit d'un login et d'un mot de passe ! C'est facilement manipulable..., regrette l'avocat. Et puis, on aurait pu penser que seul le directeur de l'école aurait accès aux données collectées, ou à la limite aussi le recteur d'académie... Pas du tout.» L'arrêté autorise les maires à consulter les données, tout comme le principal du collège où est affecté l'élève...

On touche du doigt un autre problème: la durée de conservation des données. A priori, l'arrêté semble poser des limites: «la durée maximum de conservation des données dans Base élèves premier degré n'excédera pas le terme de l'année civile au cours de laquelle l'élève n'est plus scolarisé dans le premier degré.» Réponse de l'avocat: «oui, mais par le jeu des interconnexions,  le fichier 1er degré est connecté à celui du 2e degré... et ainsi de suite. Au final, cela peut le poursuivre pendant 35 ans.»

«Un élève qui aurait des problèmes de discipline en maternelle pourrait se le voir reprocher lors de l'inscription à l'université», s'étrangle une mère de famille, croisant les doigts pour que le fichier soit retiré. A côté des plaintes déposées au pénal, le collectif a engagé une action en nullité devant la justice administrative. Le conseil d'Etat devrait se prononcer d'un jour à l'autre.  

 

Publié dans REVUE DE PRESSE

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